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SIDA & BURKINA FASO

Quelle est la position de l’Etat par rapport au SIDA ?

Martin Revillion : Depuis 1998, l’Etat considère le SIDA comme un problème majeur de santé publique. Avec un taux de prévalence de 7 à 9,8 % selon les études, le Burkina est l’un des pays les plus touchés. Le comité National de Lutte contre le Sida créé en 2000 est parrainé par la présidence. C’est un comité multisectoriel qui englobe plusieurs ministères.

Combien de personnes sont sous traitement ?

Actuellement, 1 000 patients sont sous traitement dans tout le pays.. sur plus de 600 000 séropositifs. Les traitements sont disponibles, mais les fonds manquent pour qu’ils soient achetés par les malades. Le CTA (Centre de Traitement Ambulatoire) distribue 300 des 1 000 traitements. Des médecins privés distribuent des médicaments à quelques privilégiés. La politique actuelle du gouvernement consiste à développer des centres de traitement et à nommer des personnes habilitées à prescrire les thérapies. Mais pour cela, il est nécessaire de former du personnel médical.

Est-ce que le SIDA est révélateur d’autres problèmes au Burkina ?

Le SIDA est un fléau au Burkina et beaucoup d’argent est investi pour le combattre. C’est normal, mais la situation sanitaire dans son ensemble est catastrophique. Le Sida est presque un épiphénomène : 1 enfant sur 5 meurt avant l’âge de 5 ans, non pas du SIDA mais de paludisme à cause de l’absence de Nivaquine. Le SIDA tue tout le potentiel de développement du pays car il touche une population adulte et active. Le SIDA est un problème grave mais il ne doit pas masquer les autres. Certaines maladies peuvent être soignées facilement, mais deviennent mortelles par manque de moyens. Toutes les ressources de santé sont actuellement affectées au SIDA, comme toutes les aides des bailleurs de fonds internationaux, mais les équipements de base eux sont totalement négligés. Il y a une "mode SIDA " qui a pour conséquence de délaisser les autres postes. La parade consiste à utiliser une partie des fonds SIDA pour remettre en état l’infrastructure générale, rétablir des conditions d’hygiène de base. Par ailleurs, il faut rester vigilent avec les associations qui se montent. Des parasites se greffent sur la lutte contre le SIDA.

 

 

La prévention est-elle efficace ?

La prévention est plus efficace en milieu urbain, mais reste réduite. Hors des villes, le mot SIDA est quasiment inconnu, alors que la maladie est omniprésente. S’il est plus localisé dans les concentrations urbaines, à cause de la mobilité des populations, le virus se répand dans les campagnes. Il existe une réelle route du SIDA, celle des travailleurs saisonniers, des émigrés revenants de Côte d’Ivoire, du Ghana, du Mali qui fréquentent des prostituées en chemin.

 

La prise de traitement est-elle bien suivie ?

La trithérapie est difficile à prendre même en Europe...Ici, l’isolement, la pauvreté rendent la prise des médicaments encore plus difficile, ajouté aux problèmes d’observance. Elle ne s’accompagne pas forcément d’une alimentation régulière et équilibrée, ce qui ne favorise pas son effet. Mais elle apporte l’espoir et peut inciter à se faire dépister. Alors qu’avant, le dépistage n’apportait qu’une seule certitude, celle de la mort. Les traitements sont le moteur indispensable à une campagne de dépistage.

 

Comment s’effectue le choix des bénéficiaires des trithérapies ?

Suite à l’attribution des 1 350 traitements par le fonds mondial, un comité d’attribution a été mis en place pour sélectionner les bénéficiaires. C’est un problème déontologique et éthique grave. Doit-on soigner les femmes qui suivent un traitement limitant les risques de transmission de la mère à l’enfant, ou un père de quinze enfants ? Il y a des risques avérés d’effets « pervers » : la tentation de tomber enceinte pour bénéficier d’un traitement. Certains pensent aussi que le personnel de santé doit avoir un accès privilégié aux traitements.

Il y a des critères thérapeutiques, et aussi un critère d’assiduité de prise des traitements. D’autres veulent prendre des garanties avec des associations, et sélectionner avec leur aide ceux qui en ont le plus besoin. Ce dilemme est tellement délicat qu’il débouchera forcément sur quelques perversités. On estime que 60 000 personnes nécessitent un traitement immédiat, ce qui représente plus que le budget de l’Etat. Le budget de santé de l’Etat burkinabé équivaut à 1/10ème du budget de l’hôpital de Montpellier...

 

 source: http://www.a360.org/article.php3?id_article=48

 

Y a-t-il des protocoles de traitements ?

Très récemment, un protocole thérapeutique a été instauré par tous les responsables du pays pour définir les conduites à pratiquer, avec possibilité de changement de traitements. Le problème réel est le manque de prescripteurs. Sachant qu’un médecin ne peut prendre en charge plus de 400 malades, et qu’il y a 600 médecins généralistes dans le pays, je vous laisse imaginer l’hécatombe. Beaucoup d’infirmiers compensent le manque de médecins. Souvent dans un hôpital, il n’y a qu’1 à 3 médecins. Il y a une carence terrible de personnel. Même si l’apport de médicaments évolue lentement mais favorablement, le manque d’effectifs est pénalisant. En plus, le FMI et la banque mondiale limitent les dépenses de l’Etat et l’empêchent ainsi indirectement d’embaucher le personnel nécessaire.

 

Existe-t-il des traitements en faveur des enfants ?

Actuellement, il n’y a pas de gamonit enfant, mais certains vont être importés. Cependant peu de gens veulent mettre des enfants sous traitement, car les parents ne peuvent pas payer, ils ont déjà du mal à payer leur propre trithérapie. Un programme national pour lutter contre la transmission mère enfant est en cours de développement et des centres se mettent en place doucement à travers le pays, reste ensuite à s’occuper des mères séropositives.

 

Quelle est la situation sociale des séropositifs au Burkina ?

La stigmatisation des malades est violente. Les femmes sont chassées. Des maisons sont détruites. Les séropositifs se cachent. Tous ces facteurs empêchent les gens de se faire dépister, surtout que la confidentialité n’est pas garantie. Certains cherchent à faire des dépistages dans des petits centres, ou déposent des prélèvements par l’intermédiaire d’une tierce personne. Des facteurs culturels supplémentaires assombrissent le tableau : la polygamie, le lévira (à la mort d’un homme, son frère prend sa femme, donc risque démultiplié d’être contaminé, ndlr).

 

 

Quels sont les projets de coopération entre la France et le Burkina ?

Il s’agit surtout du projet STR ( ensemble pour une solidarité thérapeutique hospitalière en réseau). C’est une série de jumelages entre quatre hôpitaux français et des établissements burkinabés, pour préparer le pays à l’arrivée des thérapies. Il faut développer dans les hôpitaux des centres pour analyser la charge virale, les CD4. Il y a des échanges pour la formation des médecins locaux. Le projet STR est intéressant car il désenclave les hôpitaux burkinabés, leur permet d’être au courant des avancées internationales. Le STR a aussi pour but l’insertion des initiatives associatives au sein des hôpitaux pour l’accompagnement des malades, pour une prise en charge en réseau qui va au delà du clinicien.

 

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